Mais quelles sont donc les origines de cette fête eyraguaise si singulière, la Saint Bonet ou Saint Bonnet, où saucisses et taureaux sont rois ?
René Trouillet, écrivain du village en avait rédigé l'historique détaillé que vous pourrez lire plus bas.
Et depuis 2022, après la messe à la chapelle du même nom, les saucisses sont bénies avant d'être distribuées au public et un cérémonial a été instauré, tel un mantra, à répéter lors de cette bénédiction :
"Saint Bon(n)et, par cette saucisse bénie qui va nous rassasier, nul doute doute que nous allons passer une bonne année !
(À apprendre par cœur avant le 15 janvier !)
Et maintenant...un peu d'histoire
C'était au temps où les papes résidaient en Avignon.
L’événement se passa un 15 janvier de l'une de ces années de ce XIVème siècle... et le calendrier indiquait que c’était Saint-Bonnet.
Le souverain pontife en place, désireux de visiter l’archevêque de Marseille, avait décidé d’entreprendre ce jour-là le long déplacement que représentait un tel voyage à l’époque.
L'équipage papal quitta donc le Palais en direction du sud-est au matin de cette mi-janvier.
La difficile traversée de la Durance à Bon-Pas, le mauvais état des routes, l'accueil enthousiaste et pieux des Novais qui auraient voulu le voir rester plus longtemps dans leur village le retardèrent plus que prévu. Le prélat arriva ainsi aux abords d'Eyragues à la nuit tombante.
Cette étape nocturne dans notre petite bourgade n'avait pas été programmée car il aurait dû passer la nuit en Arles. Mais compte tenu de l’heure tardive (la nuit tombe tôt en janvier), le
Saint-Père décida d'y faire halte "incognito". Il pensa que finalement ça lui serait une très bonne occasion de s'assurer de la charité chrétienne de ces paysans dont il n'avait jamais entendu parler (il savait seulement que leur église était fortifiée et qu'ils aimaient beaucoup les biòu).
Il envoya sur le champ deux de ses laquais demander l'hospitalité à un foyer autochtone en leur recommandant bien de ne pas dévoiler son identité… et aussi de ne pas choisir la demeure d’un
notable local. Il se ferait passer pour un simple homme d'Église égaré en lequel il se déguisa...
La première porte de la masure à laquelle les envoyés frappèrent s'ouvrit sur la pauvre demeure d'une famille de paysans qui sans hésiter offrirent le gîte et le couvert au visiteur inconnu.
L'accueil fut on ne peut plus simple bien entendu mais le peu qui lui fut offert le fut de bon cœur.
La couche proposée fut celle de l'aîné qui pour une nuit rejoignit ses frères et l'illustre voyageur partagea le frugal repas familial constitué ce soir-là par les seules saucisses qu'avait fournies le dernier cochon tué.
Le lendemain matin, le Saint-Père se présenta à ses hôtes éberlués à cette annonce. Face à cette situation incroyable, honteux de n'avoir pu offrir rien de mieux au représentant de Saint-Pierre, ils s'agenouillèrent aussitôt à ses pieds, lui demandant pardon de leur pauvreté.
Mais le bon pape les fit se relever et leur annonça en joignant les mains:
- "Braves Eyraguais, vous m'avez reçu mieux que les plus grands. Vous êtes des gens généreux, sincères et hospitaliers. Je n'oublierai jamais votre geste. Dans mes prières, j’intercèderai auprès de Notre Seigneur afin que chaque 15 janvier votre table se garnisse des
meilleures cochonnailles, même par temps de disette!
Soyez-en certains, IL exaucera mon voeu".
Après un temps de prière silencieuse, il ajouta deux choses:
- "Je peux vous assurer aussi qu’outre les victuailles promises, un jour votre petit village consacrera une chapelle à Saint-Bonnet que vous fêterez chaque 15 janvier, en souvenir du jour d’hier où vous m’avez si charitablement ouvert votre porte!
De plus, au fil du temps, vous ne saurez plus s'il faut mettre un ou deux n au nom du saint, mais qu'importe!... ".
Et il leur donna sa bénédiction.
C'est depuis ce jour que chaque année à la même date, saucisses et andouillettes abondent au menu de chaque famille eyraguaise!
Si cette première prédiction se réalisa l'année suivante, il fallut attendre quatre siècles pour voir s'élever la chapelle annoncée, en l'an 1757 exactement.
Le débat concernant la troisième a pris corps récemment.
Voici donc - puisqu’il en fallait une - la preuve irréfutable que notre fête ancestrale date du XIVème siècle, au temps où la papauté siégeait en Avignon.
Par contre, le Saint Homme, ignorant de la chose taurine, n’aurait pas pu imaginer que dans le dernier quart du XXème, un taureau de Camargue viendrait lui aussi participer au culte en sortant en plein hiver à la bourgino. (jusqu'en 2015Ndlr).
Mais ceci est une autre histoire qui ne relève plus cette fois de la volonté divine... Elle est le fait de quelques fidèles humains locaux qui appellent ça tout de même… la Fe di Biòu!
René TROUILLET.
Écrivain eyraguais (1946-2013)
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